Carburer au biométhane: une solution verte pour la carboneutralité en Europe

Par | 2021-05-13

Maintenant cinq ans après l’Accord de Paris (2016), la popularité des énergies renouvelables pour le secteur des transports n’a jamais été aussi importante dans l’Union européenne (UE). Les transports sont d’ailleurs responsables de plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe et ils dépendent en grande partie du pétrole et des combustibles fossiles.

Le développement des biocarburants issus de sources renouvelables, tels que le biogaz purifié à la qualité du gaz naturel, mieux connu sous le nom de biométhane, joue un rôle très important dans la transition entre les carburants classiques et les biocarburants des futures générations.

La Directive sur les Énergies Renouvelables (RED II)

La Directive sur les énergies renouvelables est le principal support législatif pour le développement des énergies renouvelables, y compris le biogaz et le biométhane, en Europe. La nouvelle version appelée RED II (tirée de Renewable Energy Directive en anglais) a été adoptée en 2018 et fixe un objectif d’au moins 32 % d’énergies renouvelables pour 2030, qui pourra être revu à la hausse en 2023.

La RED II comprend également des objectifs sectoriels et vise une augmentation annuelle de 1,3 % des énergies renouvelables dans le secteur du chauffage et un objectif final de 14 % d’énergies renouvelables dans le secteur des transports d’ici 2030 (EBA). Cette législation est un pas en avant pour l’utilisation du biométhane et du gaz renouvelable en Europe, car elle étend les garanties d’origine pour le gaz renouvelable, ouvre l’accès du biométhane au réseau de gaz naturel et facilite le commerce transfrontalier du biométhane.

Cette législation est perçue comme l’incitatif principal pour décarboniser le secteur des transports, dont 8 % de l’énergie totale utilisée dans les transports provenait déjà de sources renouvelables en 2018 selon l’Agence européenne pour l’environnement (contre 2 % en 2005).

Chaque État membre de l’UE est tenu de mettre en œuvre les exigences de la RED II dans sa législation nationale d’ici le 30 juin 2021. Bien que les objectifs soient clairs et que les progrès soient visibles, il appartient à chaque pays de choisir la manière dont il souhaite atteindre ces objectifs, car chaque pays est différent, comme vous pouvez le voir dans la figure ci-dessous :

Source: Utilisation des énergies renouvelables dans le secteur des transports en Europe, Agence européenne pour l’environnement (2019)

Les dispositifs de soutien en Europe

Alors que certains dispositifs de soutien dans le cadre de RED II sont encore en phase préliminaire, un certain nombre de pays utilisent déjà différentes approches pour inciter les producteurs et les fournisseurs à soutenir le biométhane en tant que carburant durable pour le transport. Pour visualiser les régimes de soutien en place, une étude du Regatrace sur le commerce du gaz renouvelable en Europe en 2020 fournit l’aperçu européen ci-dessous :

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Dispositifs de soutien mis en place en Europe

Avantages et bénéfices de l’utilisation du biométhane dans le secteur des transports

Lorsqu’il est question d’évaluer les différentes options disponibles visant à moderniser le secteur des transports en Europe, le biométhane offre un grand nombre d’avantages à court et à long terme (EBA) :

Réduction des émissions nocives

Le biométhane reste une des meilleures solutions contre le changement climatique. Grâce à la digestion anaérobie, les émissions de méthane provenant des boues d’épuration, des déchets municipaux, des effluents agro-industriels et des résidus agricoles sont captées et maintenues hors de l’atmosphère. Ces émissions peuvent notamment être jusqu’à 23 fois plus nocives que le CO2.

Création d’emplois

Le secteur du biogaz représente plus de 70 000 emplois stables en Europe. Une grande majorité des installations de biogaz sont situées dans des zones rurales, ce qui contribue à aider l’économie locale et à créer des postes spécialisés.

Indépendance énergétique

La dépendance de l’Europe vis-à-vis des importations externes de gaz s’élevant à 83 % (2018), le biométhane est considéré comme une occasion unique de compenser l’équilibre des combustibles fossiles par une source de gaz domestique renouvelable et durable. Ainsi, le développement du biométhane favorisera la sécurité énergétique, plutôt que dépendre de combustibles fossiles provenant de régions instables où la situation sociopolitique peut interrompre les chaînes d’approvisionnement.

Versatilité et disponibilité

La digestion anaérobie est une technologie éprouvée, qui permet une production d’énergie élevée et de bons niveaux de prévisibilité, ainsi qu’une grande polyvalence. Les stations de ravitaillement en GNC et GNL ne sont peut-être pas aussi dominantes que leurs homologues pour les carburants liquides, mais elles sont plus disponibles que les installations de ravitaillement pour d’autres carburants alternatifs tels que les transports électriques et à hydrogène.

Potentiel de décarbonisation de divers secteurs du transport

L’Association européenne du biogaz (EBA), Gas Infrastructure Europe (GIE) et la Natural & bio Gas Vehicle Association (NGVA Europe) et SEA-LNG ont publié un document conjoint qui met en évidence le véritable potentiel du BioGNL pour décarboniser le transport lourd et le transport maritime de manière rapide et rentable. Le rapport prévoit que la production de BioGNL dans l’UE devrait être multipliée par dix d’ici 2030 et qu’elle jouera un rôle important dans la décarbonisation des transports.

De plus, l’infrastructure de ravitaillement en gaz se développe rapidement et a enregistré 4000 stations GNC et 400 stations GNL en place selon l’étude de NGVA Europe en 2021.

Défis et opportunités actuels

Pour que le biométhane puisse remplacer le gaz naturel dans un avenir rapproché, l’Europe doit prendre des mesures supplémentaires pour surmonter les défis en matière de durabilité et de rentabilité.

Par exemple, le biométhane allemand peut être considéré comme moins durable en moyenne que le biométhane danois ou français, en raison du seuil plus élevé de cultures énergétiques comme matière première. La disponibilité des déchets organiques varie certainement d’un État membre à l’autre. Les consommateurs de biométhane danois et français pourraient alors ne pas accepter un biométhane moins durable en provenance d’Allemagne. Comme l’a suggéré l’école de réglementation de Florence, ce problème pourrait être résolu par l’harmonisation des seuils de durabilité, en donnant une définition claire du biométhane et de ses caractéristiques pour développer les échanges.

En outre, dans une perspective à court terme, sur les 343 millions de véhicules routiers en Europe selon les données de 2014, seul 1,2 million fonctionne au gaz naturel et au biométhane, soit l’équivalent de 0,7 % du marché total des véhicules. Le gaz naturel est utilisé à une échelle relativement faible, car les combustibles fossiles dominent toujours le marché. Les stations de ravitaillement en GNC et GNL étant rares, voire inexistantes, dans plusieurs pays européens, les solutions alternatives telles que les installations de remplissage à domicile obligeront les constructeurs automobiles à augmenter les coûts d’acquisition pour les consommateurs, ce qui peut rendre l’achat d’un véhicule à gaz moins intéressant. Il est donc impératif que les carburants de transport renouvelables soient soutenus non seulement par les instances publiques, mais aussi par les entreprises privées et les associations.

Développement dans certains pays européens

France

Selon les estimations du cabinet de conseil en management Sia Partners, un réseau de trains BioGNV en France entraînerait de nombreux avantages, tels que la création de 16 750 emplois, un chiffre d’affaires annuel de 1,5 milliard d’euros et une réduction des émissions de CO2 des TER de 175 000 tonnes par année d’ici 2030.

Environ 563 TER pourraient être convertis au BioGNV entre 2025 et 2030, ce qui constituerait 61 % de la flotte et entraînerait la consommation de 560 GWh de BioGNV en 2030, soit l’équivalent de la consommation de 2 240 bus.

Depuis quelques années, la France a connu une croissance fulgurante de la production de biométhane et cherche maintenant à verdir davantage ses différentes flottes. Jusqu’à récemment, le dépôt de bus Transdev en Île-de-France a été transformé pour accueillir des bus roulant au biométhane. Avec ce nouveau développement, l’organisation française Île-de-France Mobilités espère que tous les futurs bus de la région prendront en compte le biométhane.

Belgique

Dans une entrevue avec GMobility, Didier Hendrickx de Gas.be, la Fédération belge des gestionnaires de réseaux de gaz, a déclaré que le biométhane était un élément essentiel de la stratégie de développement durable de la Belgique. Avec 150 stations GNC, 80 stations GNL et près de 23 000 véhicules en circulation, le secteur présente un grand potentiel pour le gaz naturel renouvelable. Depuis la première injection de biométhane en 2018, il y a actuellement plus ou moins 20 projets prévus dans les 2 prochaines années en Belgique.

Selon lui, cinq catalyseurs peuvent être attribués au succès du développement du GNC en Belgique. Ceux-ci seraient des points clés pour aider à stimuler la croissance de l’industrie du biométhane dans les années à venir :

  • Créer une prise de conscience, la communication vers un large public est la clé.
  • Importance des OEMs (Original Equipment Manufacturer).
  • Incitatifs des autorités gouvernementales et du secteur du gaz.
  • Cadre réglementaire législatif.
  • Conditions de concurrence équitables en termes d’opportunités pour les sources d’énergie alternatives (hydrogène, véhicules électriques, etc.).

Convaincre le public que le BioLNG et le BioCNG font partie du processus de décarbonisation reste un grand défi, de même que persuader les fabricants qu’ils peuvent être bénéfiques financièrement.

Suède

La Suède possède actuellement de la plus grande part d’énergie provenant de sources renouvelables dans le secteur des transports avec près de 30 %. Depuis plusieurs années, la Suède met de avant l’utilisation du biogaz et du biométhane comme carburants verts pour atteindre son objectif, grâce à des politiques en faveur du GNV et du BioGNV, des investissements importants pour dynamiser le marché, ainsi que des subventions et des exonérations fiscales pour ceux qui choisissent ce type de carburant.

La Suède a lancé en 2015 un programme d’investissement dans le cadre de d’efforts locaux et régionaux de réduction des émissions de GES. Depuis, elle a investi une grande partie des 345 millions d’euros accordés dans l’installation de GNV et de BioGNV dans les véhicules de transport public local et les stations de recharge dans toute la Suède.

Aujourd’hui, plus de 30 municipalités utilisent des véhicules au biogaz ou au biométhane pour leurs systèmes de transport public, y compris les bus et les taxis. Par exemple, dans le comté de Kalmar, tous les bus fonctionnent sans carburant fossile, dont 60 % de biogaz issus de fumier de ferme.

En 2020, 1 491 GWh de gaz pour véhicules ont été vendus en Suède. Le biogaz représente désormais 95 % des ventes de gaz comprimé pour véhicules. Fin 2019, il y avait 53 982 véhicules à gaz en Suède, 2 618 étaient des bus, 1 034 des véhicules lourds et le reste des voitures particulières et des camionnettes.


Bleu foncé: Véhicules lourds; Vert: Autobus; Orange: Véhicules passagers et fourgonnettes; Bleu pâle: Nombre total de véhicules.
Source: Statistiques des véhicules à gaz naturel, Energigas Sverige (2020)

Dernières nouvelles

Le bilan 2020 de GRDF confirme l’essor du biométhane en France

En mars 2021, la société française de distribution de gaz GRDF a révélé que la France comptait 226 sites d’injection de biométhane et qu’elle prévoyait près de 354 usines d’ici la fin 2021.

Source: GRDF, 2021

S. Pellegrino mise sur les camions au biométhane et à l’électricité

Soucieux de privilégier la durabilité dans les transports, le fabricant italien S. Pellegrino utilise pour la première fois des camions électriques et au biométhane dans le sud de l’Allemagne. « Nous transportons déjà 80 % de notre eau minérale d’Italie en Allemagne par train. Par rapport au trafic de camions conventionnels, une moyenne de 3 900 tonnes de CO₂ peut être économisée chaque année », explique Marc Honold, directeur général de Nestlé Waters Allemagne & Autriche (Top Agrar Online, 2021).

Un nouveau programme de subventions pour les véhicules lourds en Irlande

Le ministre irlandais des transports a annoncé en mars 2021 de nouvelles subventions pour aider les entreprises à passer des véhicules lourds diesel aux véhicules électriques ou à carburant alternatif. Le programme de subventions à l’achat de véhicules lourds à carburant alternatif (AFHDV), doté d’un budget de 2 millions d’euros, s’inscrit dans le cadre du plan du gouvernement irlandais visant à décarboniser le secteur des transports, dans lequel les poids lourds contribuent à près de 20 % des émissions du transport terrestre irlandais. Les entreprises peuvent désormais bénéficier d’une aide d’une valeur maximale de 500 000 € et/ou de 20 véhicules utilitaires lourds.


Sources: